L’entreprise va développer un parfum en partenariat avec la marque Miu Miu et créer une bibliothèque d’arômes grâce à une technologie capable de préserver l’intégrité des ingrédients.
Cyril Chapuy, président de la division luxe du fabricant de cosmétiques L’Oréal, dirige un portefeuille de maquillage, parfums et cosmétiques développé en partenariat avec 25 marques telles que Prada, Valentino et Cacharel. Son opération a rapporté près de 15 milliards d’euros l’an dernier, soit 2% de plus qu’en 2022, grâce à la vente de parfums, avec un accent sur la ligne « Libre », signée avec Yves Saint Laurent. Du haut de ses 30 ans au sein du groupe français, le dirigeant, dans un entretien à Valor, est catégorique : « 2023 a été une année très dynamique pour les parfums et je ne prévois pas de ralentissement dans cette catégorie ».
Le segment des parfums progresse malgré le reste du marché du luxe, qui connaît une moindre croissance, après des années de prospérité pendant la pandémie de Covid-19. Selon un rapport du cabinet de conseil Statista, les revenus de la catégorie des parfums devraient augmenter de 15,7 % à l’échelle mondiale d’ici 2028, passant de 58,3 milliards de dollars actuellement à 67,4 milliards de dollars. Sur ce total, les articles de luxe devraient représenter environ 28 % du chiffre d’affaires. Ce scénario est dû à l’influence des réseaux sociaux et à la plus grande présence des produits sur les plateformes de commerce électronique. L’Oréal lui-même a commencé à vendre ses articles les plus chers sur Amazon aux États-Unis l’année dernière.
La dernière opération de Chapuy consiste à créer des parfums avec Miu Miu – les frais de licence n’ont pas été divulgués. Les co-créations avec des marques de luxe représentaient 36% du chiffre d’affaires du groupe français en 2023, de 41,2 milliards d’euros. «Lorsque j’ajoute des partenaires au portefeuille (comme Miu Miu), je recherche un point de vue unique. C’est un exercice permanent pour essayer de cultiver la différence, car je crois fermement que les marques resteront solides si elles valorisent leur authenticité », déclare-t-il.
C’est d’ailleurs cette recherche de singularité qui a guidé l’acquisition d’Aesop l’année dernière, pour 2,6 milliards de dollars. Jusque-là, la marque australienne faisait partie du groupe Natura &Co. « Le parfum d’Esope ne sent pas Dior ou Chanel. Elle est aromatique, concentrée en huiles essentielles et procure une sensation bien spécifique. Si vous utilisez le parfum de vanille chez Ésope, vous tuez son essence.
En plus de l’exclusivité, le dirigeant estime qu’Aesop a apporté une leçon à L’Oréal sur la façon dont le commerce de détail peut être plus durable. Il cite le souci de la marque concernant la source d’énergie et l’élaboration des produits. « Et franchement, il n’y a rien de plus important pour l’avenir que les grandes entreprises prennent cette question très au sérieux. Mes enfants – j’en ai trois – ne me le pardonneraient pas si je ne donnais pas la priorité à la planète dans tout ce que je fais », ajoutant que le géant de la consommation a accéléré ce programme.
L’Oréal a annoncé au début du mois avoir développé, en partenariat avec l’entreprise familiale Cosmo International Fragrances, une technologie capable d’extraire l’arôme d’un ingrédient tout en préservant son intégrité, sans utiliser d’eau et grâce à un procédé économe en énergie. . « Cette démarche innovante des ‘sciences vertes’ va révolutionner la création artistique », analyse-t-il.
L’objectif de l’outil est d’élargir la bibliothèque d’arômes et d’aider L’Oréal à créer des parfums exclusifs. «Je préfère captiver profondément 1% des consommateurs avec des créations qui ont une forte personnalité plutôt que de développer des produits grand public et peu intéressants», dit-il avant de se corriger. « Chez L’Oréal, nous effectuons des recherches approfondies. Prenons le cas de Libre, qui est aujourd’hui le cinquième parfum le plus vendu au monde. Il nous a fallu sept années d’études avant d’être entièrement satisfaits du résultat. En cours de route, nous testons et apprenons jusqu’à ce que nous soyons sûrs du résultat. En fin de compte, il vous faut les deux. Sans chercher à plaire à tout le monde, mais aussi à écouter le consommateur. »
Source : Valeur 20/02/2024